Le sénateur américain Bradley Sherman a récemment appelé à “bannir les cryptomonnaies”.
Le fond de son argumentation ? La montée en puissance du Bitcoin et de sa turbulente progéniture serait de nature à compromettre et faire vaciller sur ses bases le dollar et, partant la suprématie américaine dans les échanges et la géopolitique mondiale (et le Bitcoin finance le terrorisme, ça faisait longtemps).
Si notre ami Brad n’en est pas vraiment à son coup d’essai (il avait déjà déclenché les hostilités sur le même sujet en juillet 2018, provoquant une intéressante, quoique puérile guerre à l’échelle d’un demi week-end entre le Congrès Américain et la Twittosphère Crypto US sous le hashtag #CryptoCongress), il n’en reste pas moins que des réactions de ce genre sont le symptôme d’un phénomène de fonds : la fin d’une époque.
Oubliez les notions de Bear et de Bull Market : Nous rentrons dorénavant dans la phase de la lutte
C’est un lieu commun mais il garde toute sa pertinence : toute révolution scientifique, technique, politique ou morale dans l’histoire de l’Humanité traverse 3 phases :
1 – Le Ridicule, la dérision et le mépris : le concept semble grotesque, l’innovation est considérée insensée, inutile…ses concepteurs et rares défenseurs s’attirent les quolibets ou dans le meilleur des cas, l’indifférence d’une foule bien peu concernée.
2 – un beau jour, on la considère dangereuse: il convient tout à coup de la combattre avec la dernière énergie, de la réduire à néant. La nouvelle idée est considérée comme subversive, elle met en péril des cadres établis, des conventions sociales. Dans les cas les plus extrêmes, elle peut être désignée comme l’incarnation du mal lui même. Hors de question de demeurer inactif : pour le bien commun, elle doit disparaître !
3 – Elle s’impose comme une évidence : la poussière retombe, l’heure n’est plus à l’opposition, encore moins à la dénonciation, il devient indispensable de suivre le mouvement. L’idée hier subversive est dorénavant intégrée au système. Bien souvent, les pires ennemis de la phase 2 seront les premiers à considérer…. que l’idée relevait de l’évidence.
Vous voyez j’imagine, où je veux en venir…
Arpenter la blockchain en 2010, un passe-temps de geek
Les premières années ayant suivi la naissance du bébé de Satoshi Nakamoto (que des musiques 16 bits accompagnent à jamais ses pas, où qu’il se trouve), les quelques milliers de “early adopters” à travers la planète devaient à peu de choses près s’attirer la même condescendance et le même type de moqueries que l’ensemble de la génération nerd depuis les années 90.
En gros, miner cette bizarrerie de bitcoin devait faire passer nos fiers pionniers pour encore plus asociaux et tordus qu’ils ne l’étaient déjà avec leurs jeux en ligne, leur amour immodéré pour la science fiction et la pop culture et leurs vannes en binaire.
C’était l’authentique étape du ridicule : “ va prendre l’air Kevin “, ” tu crois que tu va devenir riche avec ton Monopoly sur ordinateur, mouhahaha” , ” va falloir trouver un vrai métier hein ” et autres joyeusetés émanant d’oncle Robert, à l’époque vendeur de fax de son état (je respecte profondément les vendeurs de fax hein #NoOppression).
Alors bien sur, c’est facile de parler maintenant que Kevin est simplement devenu crypto-millionnaire sans (sembler) faire grand chose, alors qu’oncle Robert a progressé et vend maintenant des smartphones (“faut évoluer”), mais vous avez saisi l’idée.
Si depuis lors, une multitude d’événements ont ponctués la toute jeune histoire de la blockchain, cette phase des pionniers du minage – associée à l’hilarité générale – mérite d’être rapprochée d’un phénomène similaire vécu plus récemment par les investisseurs en cryptos sur la période 2017-2018.
“Va prendre l’air Matheo”, “tu crois que tu va devenir riche avec ta fausse bourse ? Mouhahaha”, “va falloir trouver un vrai métier, hein”, remarques Ô combien emblématiques auxquelles il faut ajouter une mention spéciale so 2018 “ah ouais, -80% sur tes machins là…non, bien joué, bah j’préfére le livret A” (vous voyez TRÈS BIEN ce que je veux dire, ne le niez pas).
La phase du danger : l’ennemi, c’est la Blockchain
A titre tout à fait personnel, c’est avec un plaisir non-dissimulé que je vois ces derniers jours se multiplier des vociférations de tous bords, certains appelant carrément à “bannir les cryptomonnaies “.
En première ligne, on trouve évidemment le grand pourfendeur du Bitcoin devant l’Éternel, j’ai nommé l’Oracle d’Omaha et troisième homme le plus riche du monde Warren Buffett.
Le Bitcoin ? C’est un jeu de hasard… et il a été associé a beaucoup de fraude. Il a provoqué beaucoup de pertes. Bitcoin n’a jamais rien produit. Il n’a aucune forme d’importance. Il est juste là. Il est comme une coquille vide, et ce n’est pas un investissement pour moi.
Source : interview de W. Buffett reprise par Coin Telegraph
On pourrait évoquer également les déclarations apocalyptiques (c’est sa spécialité) de Patrick “Dr Doom” Rombini : “Les cryptomonnaies sont le pére et la mère de toutes les bulles“.
Mais ce sont surtout les toutes dernières élucubrations du sénateur Bradley Sherman qui matérialisent le mieux l’entrée franche et massive dans la phase du combat. Vous l’aurez compris, les gesticulations du politicien américain sonnent à mes oreilles comme une douce musique !
Après, c’est facile de se moquer, mais il faut convenir qu’en la matière nos sénateurs français ne faisaient pas beaucoup mieux début 2018
Alors, bien sur, il serait surement un peu trop facile de rappeler :
- que Warren Buffett est peut-être l’investisseur le plus avisé du 20ème siècle, mais qu’il a été incapable de repérer Google et Amazon,
- que la clairvoyance de Nouriel Ronbini est réputée proverbiale…sauf si on répertorie toutes les fois où il s’est trompé (de la crise de la zone euro, à la situation de l’économie chinoise),
- et que la virulence du sénateur Bradley Sherman a peut-être un lien avec le fait que sa campagne électorale a été sur-financée par plusieurs grosses entreprises bancaires et financières
Ainsi, si les frémissements récents, signes possibles d’un redémarrage du marché et annonciateurs de la fin de l’hiver crypto, représentent une bonne nouvelle (ne boudons pas notre plaisir !), ce qui se joue actuellement est probablement plus fondamental.
Viendra le jour de l’évidence : les cryptomonnaies, la blockchain, les contrats intelligents sembleront avoir toujours été là, signes et symptômes de la véritable adoption de masse.
Pour autant, le chemin demeure long ! Si 2018 aura été l’année de la régulation, la période qui s’annonce verra de nombreuses forces converger pour combattre un phénomène qu’elles traitaient jusqu’alors par le mépris, la dérision et maintenant le rejet.
Enchanté, moi c’est Hellmouth ! Rédacteur en chef de TheCoinTribune, le média crypto que vous me faites l’honneur d’arpenter en ce moment même (bravo, vous avez du goût).
Crypto-enthousiaste de la deuxième heure, rien n’a plus d’importance à mes yeux que d’accompagner l’adoption globale et la démocratisation des trésors que nous propose la blockchain.
Je rédige des articles entre deux cocktails à Tahiti, mon île d’adoption, et ne rechigne pas, si l’occasion se présente, à me repaître d’un scam bien dodu ou d’une pyramide de Ponzi un peu trop entreprenante.
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